Avez-vous déjà entendu parler du Kyūdō, l'un des plus anciens arts martiaux japonais ? Kyūdō signifie littéralement "la voie de l'arc" et son objectif principal est de réaliser le concept de Shin-Zen-Bi (Vérité-Bien-Beauté). Cela signifie créer de la beauté en décochant une flèche correcte, avec un archer imprégné d'une bonne attitude envers lui-même, son environnement et sa cible. Dans cet épisode, réfléchissons à la manière dont la réalisation de ce concept peut vous être utile dans votre travail quotidien.
Podcast de lecture
Dans les années 1920, le professeur allemand Eugen Herrigel s'installa au Japon pour enseigner la philosophie à l'université de Tokyo, convaincu que cela l'aiderait à comprendre plus profondément le mysticisme. Pendant son séjour, il prit des leçons de tir à l'arc auprès du légendaire maître Awa Kenzō. Kenzō était convaincu que les débutants devaient maîtriser les bases du tir à l'arc avant d'essayer de viser une vraie cible. Au cours des quatre premières années de son entraînement, Herrigel ne put tirer que sur un manuscrit de paille situé à seulement sept pieds de distance. Lorsque Herrigel se plaignait de la lenteur incroyable du processus, son professeur répondait : "Le chemin vers la cible ne peut pas être mesuré ! Que signifient des semaines, des mois, des années ?"
L'apprentissage n'a pas été sans difficultés. Herrigel éprouvait des problèmes avec la respiration correcte, la tenue de l'arc, le bandage de la corde "d'une manière spirituelle", c'est-à-dire avec force mais sans effort. Selon Kenzō Awa, les échecs de Herrigel étaient dus à une attitude mentale inappropriée. Comme il le soulignait, le tir à l'arc est une question de vie ou de mort. Il répétait également l'un de ses proverbes préférés : "Nous, les maîtres du tir à l'arc, disons : une flèche - une vie !"
Lors d'une séance particulièrement humiliante, Herrigel conclut que son problème devait être une mauvaise cible. Cependant, Kenzō regarda son élève et répondit que ce n'était pas le fait de viser qui importait, mais la manière d'aborder la tâche qui déterminait le résultat. Frustré par cette réponse, Herrigel dit : "Alors tu devrais être capable de le toucher les yeux bandés". Kenzō fit une pause pendant un moment, puis dit : "Viens me voir ce soir". Après la nuit tombée, les deux hommes retournèrent dans la cour où se trouvait la salle d'entraînement. Kenzō se rendit à son poste habituel de tir, désormais avec une cible cachée dans l'obscurité. Le maître d'archerie suivit sa procédure normale, prit position, banda la corde de l'arc et décocha sa première flèche dans l'obscurité. Évoquant plus tard cet événement, Herrigel écrivit : "Du son, je savais qu'il avait touché la cible".
Kenzō avait atteint le centre, sans pouvoir voir la cible. Les grands maîtres d'archerie enseignent souvent que "tout a son importance". Où vous placez vos pieds, comment vous tenez l'arc, comment vous respirez lorsque vous décochez la flèche - tout cela détermine le résultat final. Dans le cas de Awa Kenzō, le maître d'archerie était si conscient du processus qui conduisait à un tir précis qu'il était capable de reproduire exactement la série de mouvements internes, même sans voir la cible externe. Cette conscience totale du corps et de l'esprit par rapport à la cible est connue sous le nom de zanshin.
Zanshin est un terme couramment utilisé dans les arts martiaux japonais pour décrire un état de vigilance détendue. En traduction littérale, zanshin signifie "esprit sans résidu". En d'autres termes, c'est un esprit entièrement concentré sur l'action et focalisé sur la tâche. Zanshin est constamment conscient de son corps, de son esprit et de son environnement, sans stress. C'est une vigilance sans effort.
Cependant, en pratique, zanshin a une signification encore plus profonde. Zanshin choisit une vie et une action intentionnelles plutôt que de succomber passivement à tout ce qui se trouve sur votre chemin.
L'ennemi de l'amélioration
Il existe un proverbe japonais célèbre qui dit : "Après une victoire en bataille, serre ton casque". En d'autres termes, la bataille ne se termine pas avec la victoire. La bataille ne se termine que lorsque vous devenez paresseux, lorsque vous perdez votre sens de l'engagement et cessez de faire attention. C'est aussi ça, zanshin : vivre avec vigilance, que le but ait déjà été atteint ou non.
- La bataille ne se termine pas avec la publication d'un livre. Elle se termine lorsque vous vous considérez comme un produit fini, lorsque vous perdez la vigilance nécessaire pour continuer à perfectionner votre métier.
- La bataille ne se termine pas lorsque vous perdez du poids superflu. Elle se termine lorsque vous perdez votre concentration et que vous sautez des entraînements, ou lorsque vous perdez la perspective et vous entraînez trop.
- La bataille ne se termine pas lorsque vous réalisez une grande vente. Elle se termine lorsque vous devenez arrogant et complaisant.
L'ennemi de l'amélioration n'est ni l'échec ni le succès. L'ennemi de l'amélioration est l'ennui, la fatigue et le manque de concentration. L'ennemi de l'amélioration est le manque d'engagement dans le processus, car c'est le processus qui compte.
"On doit aborder toutes les actions et situations avec la même sincérité, la même intensité et la même conscience qu'avec un arc et une flèche dans les mains." - Kenneth Kushner,
Nous vivons dans un monde obsédé par les résultats. Comme Herrigel, nous avons tendance à accorder une grande importance à savoir si la flèche atteint la cible ou non. Cependant, si nous mettons dans ce processus l'intensité, la concentration et la sincérité - où nous mettons nos pieds, comment nous tenons l'arc, comment nous respirons lorsque nous décochons la flèche - alors atteindre la perfection devient simplement un sous-produit.
L'important n'est pas d'atteindre la cible. L'important est de tomber amoureux de l'ennui du travail et de maîtriser chaque élément du processus. L'important est de saisir ce moment de zanshin, ce moment de pleine conscience et de concentration, et de l'emmener partout dans la vie.
Ce n'est pas la cible qui compte. Ce n'est pas la ligne d'arrivée. Ce qui compte, c'est la façon dont nous abordons la cible.
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Leszek W. Król
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